Outils de recherche, les puces ADN sont aussi objets de recherche. Le CEA s’est lancé à la fois dans le perfectionnement des technologies existantes et dans le développement de nouveaux concepts.
Les puces à ADN permettent de visualiser par fluorescence quels gènes sont exprimés et avec quelle intensité. Seul bémol : une grande part de la lumière fluorescente est piégée dans le substrat, support sur lequel sont déposées les sondes ADN (généralement une lame de verre). Les gènes très faiblement exprimés peuvent donc rester invisibles ! Pour pallier cet inconvénient, les chercheurs du CEA, en partenariat avec les sociétés Thalès Angénieux et Apibio, ont mis au point Ibis, une lame de verre spécialement conçue pour renvoyer plus de lumière vers le détecteur. «De très fines couches de matériaux dotés d’indices de réfraction différents sont déposées sur la lame par procédé sol-gel, explique Pierre Barritault, opticien au Laboratoire d’électronique, de technologie de l’information (Léti) du CEA, à Grenoble. Celle-ci est trempée verticalement dans une solution puis retirée à une vitesse contrôlée. Se forme à sa surface un film qu’il suffit de sécher.» L’empilement des couches minces constitue alors une sorte de miroir qui empêche la lumière fluorescente de pénétrer dans le support.
Observer en temps réel
Cependant, l’absorption de la fluorescence n’est pas le seul écueil lors de la lecture des puces à ADN. Et pour cause : celle-ci se fait après le lavage et le séchage, une fois que tous les appariements possibles ont eu lieu. « Mais deux brins d’ADN très proches, qui ne diffèrent par exemple que d’une seule base [on parle alors de mutation ponctuelle, Ndlr], peuvent quand même se lier», assure Thierry Livache, du Laboratoire chimie de la reconnaissance et d’étude des assemblages biologiques du CEA, à Grenoble. La réaction s’avère certes plus longue, mais existe bel et bien. Avec une puce à ADN standard, impossible de savoir combien de temps ont mis les brins d’ADN à s’apparier. Dans ce cas, comment être certain que le gène visible sur la puce possède toute son intégrité ?
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Observer en temps réel
L’imagerie par résonance plasmonique de surface, un nouveau système développé par le CEA, l’Institut d’optique d’Orsay et la société Genoptics, offre désormais une représentation dynamique de la réaction entre l’échantillon à étudier et la puce. Cette dernière n’est plus une plaque de silicium ou de verre mais un prisme, dont l’une des faces est recouverte d’une très fine couche d’or. C’est sur cette surface, à l’extérieur du prisme, que sont attachées les sondes ADN par le procédé Micam®. «Les éléments biologiques situés sur la couche d’or peuvent modifier ses propriétés de réflexion de la lumière », indique Thierry Livache. En fait, ce qui se passe d’un côté influe directement sur la réflectivité de l’autre côté ! La déviation d’un rayon lumineux entrant dans le prisme et se réfléchissant sur le métal est modifiée au fil des réactions qui se déroulent sur les sondes. «Ainsi, nous pouvons suivre en temps réel les appariements entre l’ADN de l’échantillon et les sondes de la puce», précise Thierry Livache. Et, de là, savoir si un gène s’est très vite apparié ou s’il a mis plus de temps, indice d’une éventuelle mutation ponctuelle. En s’affranchissant de tout marquage fluorescent, cette technique permet aussi d’observer pas à pas les interactions entre l’ADN et des protéines d’intérêt biologique. « Pour certaines d’entre elles, nous ne savons pas vraiment dans quelle mesure le marqueur fluorescent modifie leurs propriétés, indique le chercheur. En son absence, l’étude des interactions ADN protéines avec cette puce est plus proche de la réalité. »