Imaginez un dispositif portable qui permettrait, en quelques dizaines de minutes et à partir de quelques gouttes de sang, de salive ou d’urine, d’identifier le micro-organisme à l’origine d’une infection. Ce rêve est à portée de main, grâce aux laboratoires sur puces, ou “labopuces”.
Conçus pour répondre à un besoin de plus en plus pressant d’analyse automatique, rapide et à bas coût, les laboratoires sur puces poussent au plus loin la miniaturisation. Il s’agit cette fois d’intégrer, sur une surface de quelques centimètres carrés, l’ensemble des volumineux appareils d’analyse biologique – depuis la préparation des échantillons (séparation cellulaire, extraction de l’ADN, marquage…) jusqu’aux résultats – qui occupaient chacun une paillasse de laboratoire.
Sur la voie du progrès
Ça, c’est la théorie. En pratique, les laboratoires sur puces n’en sont pas tout à fait là, même si les progrès réalisés ces dernières années sont très encourageants. Le CEA, qui s’est engagé dans cette voie dès la fin des années 90, travaille sur plusieurs projets déjà bien avancés. C’est le cas de POC, pour “point-of-care”, dédié au diagnostic rapide d’infections et quasiment au chevet du malade. En collaboration avec ST Microelectronics, le CEA a développé ce système miniaturisé capable d’amplifier les séquences génétiques caractéristiques de certains agents pathogènes et de les mettre en évidence par hybridation, grâce à une puce à ADN intégrée.
Deux ans de travaux ont été nécessaires aux deux partenaires pour mettre au point un prototype de POC, que le laboratoire Biopuces du CEA de Grenoble s’apprête à valider. « Dans un premier temps, nous allons tester l’efficacité de POC pour détecter un streptocoque pathogène », confie Brigitte Fouqué, responsable de sa validation biologique.
Au service de la médecine
Les retombées médicales de ce système sont considérables. Il devra permettre de détecter, en moins d’une heure, les agents infectieux présents dans un échantillon de sang ou de salive prélevé chez un malade et ce avec une sensibilité et une spécificité presque infaillibles. Il sera en outre capable de révéler l’éventuelle présence d’une trentaine de micro-organismes en même temps, fournissant de précieuses indications aux médecins pour adapter les traitements et éviter le recours inutile aux antibiotiques. Le CEA affiche également d’autres ambitions. Côté technique, « le contrôle du mouvement des fluides est l’une des principales difficultés rencontrées dans le développement des laboratoires sur puces », indique Pierre Puget, du Département des technologies pour la biologie et la santé du CEA de Grenoble. Une fois dans le labopuce, les échantillons doivent en effet passer d’un module à l’autre pour y subir les différentes étapes de l’analyse. Or, rien n’est moins évident que de faire circuler des liquides dans des canaux microscopiques. Dans le cas de POC, les fluides circulent grâce à une pression d’air. Les chercheurs du CEA travaillent néanmoins au développement de solutions encore plus sophistiquées.
Attirer l’échantillon
Dans le cadre de Biosoc, un autre projet de laboratoire sur puce, ils ont ainsi imaginé un dispositif ingénieux faisant intervenir des fils d’or. L’échantillon à étudier est déposé sous forme de gouttes sur une surface recouverte de minuscules électrodes: lorsque l’une d’elles est mise sous tension, elle provoque une légère déformation du bord de la goutte qui lui fait face et l’attire ainsi à elle. En répétant l’opération de proche en proche, l’échantillon est mené à l’endroit souhaité. Quant au fil d’or, situé juste au-dessus de la surface, il sert à établir la tension électrique entre l’électrode et la goutte, « un peu comme les caténaires d’un train », résume Pierre Puget. Parallèlement à l’amélioration des techniques de microfluidique, reste un autre grand défi à relever dans les années qui viennent : intégrer sur ces labopuces, aujourd’hui en développement, les toutes premières étapes de préparation des échantillons afin qu’ils soient véritablement complets. Mais ça, c’est une autre histoire…